J o k e || of one Lost ♠ .: Libre :.

Le lieutenant du clan de l’Abysse, Requiem Astral, était certes déjà allé dans le labyrinthe souterrain, mais toujours seul ou dans le cadre d’une patrouille. Ce soir-là, Colère Théâtrale et Sans Cœur, fidèles amis du lieutenant, voulurent lui faire passer une sorte de test… de courage. Le feu Plume d’Encre avait dû y passé, auprès des mêmes amis de Requiem Astral. D’après ce qu’avait raconté le défunt guérisseur à son frère, le test qu’il avait dû passé l’avait traumatisé à vie… Il faut dire que Plume d’Encre avait certes une grande gueule et était doué d’une incommensurable mauvaise foi, mais le pauvre chat était du genre… très peureux ? Il avait bien trop peur de laisser la vie pour un rien, et préférait faire le malin au camp, au poste de guérisseur. L’exact contraire de Requiem Astral. Celui-ci était vraiment du genre casse-cou, peur de rien, et encore moins de la mort… En effet, ce lieutenant au sens le plus cynique que le monde pouvait accueillir, Requiem Astral avait un tout petit peu trop genre à ne prendre rien au sérieux, et jouer avec la vie. Requiem Astral, grand ténébreux, et force de caractère, il n’était en aucun cas le chat fragile… Impassible, qui ne montrait jamais ses sentiments, Requiem Astral pouvait faire peur aux chatons, avec son regard assassin, mais ce félin combattant aurait donné sa vie pour chacun d’entre eux… Il en était d’ailleurs bien étonné. Depuis sa venue au clan, jamais il n’aurait pensé un jour s’attacher à cette meute. Ex solitaire, Requiem Astral préférait se moquer de la vie seul et vivre au jour le jour, mais depuis que Plume d’Encre avait envahi son esprit et supplié (à genoux, bien sûr, sinon il n’aurait jamais accepté) de rejoindre son clan, le grand félin solitaire avait ébréché son cœur de glace.

Bon, tout ça pour revenir à ce stupide test de courage.

Requiem Astral était sûrement la dernière personne à manquer de courage. Mais étrangement, ce soir-là, le vent soufflait légèrement, faisant subtilement danser les brins d’herbe, et faisaient frétiller les petites feuilles des arbres. Ceux-ci devenus menaçants sous le clair de lune, tout être de la nature, plante ou roche, semblait s’être métamorphosé en une entité maléfique suceuse de sang. Peut-être que l’esprit de Plume d’Encre avait empiété sur l’esprit de Requiem Astral ? Peut-être que la peur du guérisseur commençait à prendre le dessus sur le stoïcisme du lieutenant ?

Requiem Astral ricana, ce qui laissa entrevoir une de ses longues canines aiguisées.

Sans Cœur et Colère Théâtrales se retournèrent. Les trois chats avaient traversé une bonne partie de l’île pour arriver à l’implacable labyrinthe, fierté du clan de l’Abysse. Le trio était parti en pleine nuit, pendant que tout le clan dormait. Au pire, le lieutenant aurait pu dire que c’était pour une patrouille… Etoile Chimérique n’était pas à froisser pour le moment, et Requiem Astral ne souhaitait pas perdre la confiance que son meneur venait de lui donner…

En gros : cette petite virée nocturne n’était pas une si bonne idée.

Requiem Astral soupira longuement, se passa la patte derrière l’oreille, et foudroya du regard ses deux compagnons. Il finit par lancé d’un ton quelque peu désagréable.

« Rappelle-moi pourquoi j’ai accepté un truc aussi débile…

-Parce que tu nous aimes grand fou ! rit Colère Théâtrale au nez de Requiem Astral en passant sa queue sous le menton du lieutenant.

-Rah foutaises ! C’est juste que je suis aussi stupide que vous ! lança Requiem Astral en se dégageant de la queue de son ami.

-Fais pas ta mauvaise tête Kiki, et viens avec nous maintenant ! ricana Sans Cœur en prononçant le surnom tant aimé du lieutenant.

-Toi, je ne manquerai pas de t’étriper en sortant… » dit Requiem Astral en entrant la tête haute dans le labyrinthe.

Les trois chats avaient à présent pénétré les abysses elles-mêmes. Heureusement que les chats étaient nyctalopes, car dans le cas contraire, un humain n’aurait pas vu le bout de son nez dans cette obscurité saisissante. Sans Cœur passa devant, et Colère Théâtrale ferma la route. Le trio persévérait dans le dédale. Requiem Astral n’était absolument pas paniqué, et avançait flegmatiquement auprès de ses deux amis. Après quelques minutes suivant l’entrée des trois compagnons, Requiem Astral se retourna à demi. Puis, il écarquilla les yeux, et eut un mouvement de recul : Colère Théâtrale avait disparu. Le lieutenant bondit à côté de Sans Cœur qui avait continué sa route.

« Sans Cœur ! Colère Théâtrale à dispa… »

Requiem Astral se stoppa net.

« Ha, ok, je viens de comprendre… Que suis-je bête… »

Le lieutenant fit une pause, et s’assit la queue autour des pattes.

« Vous avez pour projet de me faire peur en disparaissant un à un, et me faire paniquer comme quoi il y aurait quelque entité enleveuse de chat ? »

Mais Sans Cœur ne rit pas, et ne parla pas non plus.

Soudain, une expression peu familière vint rendre place au sein du visage de Sans Cœur. Le visage du chat était à présent déformé de terreur, et ses pupilles étaient fuyantes. Puis d’un coup, il vint se blottir contre le flanc de son lieutenant, transit de peur. Le pauvre animal tremblait de tous ses membres, puis releva la tête vers Requiem Astral.

« Requi…Requiem Astral… ça recommence ! finit par hurler Sans Cœur.

- Quoi, mais qu’est-ce que tu racontes ? Arrête de jouer le jeu Sans Cœur, je sais bien que tu plaisantes !

- Oh Requiem Astral ! Non ! Je ne plaisante pas !

- Mais oui, mais oui… Aller rappelle Colère Théâtrale, on rentre.

- Non ! Tu ne comprends pas ! Nous ne t’avons pas fait venir ici pour un test…

-Qu… »

La colère s’était emparé du lieutenant, et celui-ci saisit le pauvre Sans Cœur par les épaules.

« - Sans Cœur… Pourquoi m’as-tu donc fait venir ? siffla Requiem Astral.

- T…tu te rappelles d’Eprouvette Graduée (1) ? Il a disparu après une patrouille… tu te souviens ?

-Oui, bien sûr, et alors ?

-J’étais de la patrouille, ainsi que colère Théâtrale, et nous avions pour but de vérifier le labyrinthe… Nous sommes entrés, et nous avons fait la ronde habituelle… mais soudain, Eprouvette Graduée à disparu, il s’est volatilisé lorsque nous étions à peu près au centre du labyrinthe. Nous l’avons cherché et cherché, mais nous n’avons trouvé que quelques touffes de poils lui appartenant…

- Quoi ? Mais vous n’avez pas mentionné ça dans votre rapport !

-Je le sais bien ! Mais nous avions peur…

-De quoi ? Car c’est de moi dont vous devriez avoir le plus peur si j’apprenais la vérité !

- Je suis désolé… Ne m’en veux pas… Je t’ai emmené ici dans le but de faire des recherches… Je sais bien que toi tu es très fort au combat, imbattable, et que tu es sûrement le seul qui peut retrouver la piste d’Eprouvette Graduée… Ou alors de percer ce mystère !

-Le temps n’est pas à la flatterie, mais je dois avouer que ce mystère me plaît… finit par rire Requiem Astral, ayant perdu qu’à moitié sa colère. Aller lève toi, il faut retrouver Colère Théâtrale avant que le schéma ne se répète pour notre ami… »

Requiem Astral aida Sans Cœur à se relever, puis, les deux chats reprirent leur route, l’un transit de peur, et l’autre, d’un pas assuré. Sans Cœur observait l’assurance et le calme de son lieutenant avec admiration, puis, il lâcha, penaud :

« Merci. »

Pour seule réponse, Requiem Astral siffla.

A droite, à gauche, tout droit, à droite, encore à droite, à gauche, tout droit, tout droit encore une fois… Requiem Astral connaissait le labyrinthe comme sa poche, mais étrangement, une boule s’était formée au niveau de son estomac. Celle-ci trahissait son angoisse à perdre l’un de ses amis proches, et malgré le calme et le détachement apparent, Requiem Astral n’était pas rassuré.

Puis, soudain, un bruit.

Sans Cœur bondit sur le lieutenant, apeuré, qui se dégagea de lui rapidement. Il se positionna en posture de combat, l’arrière train relevé et les dents dehors. Le bruit qu’ils avaient entendu n’était pas un bruit… félin. Mais pas non plus un bruit d’animal de l’île. Ce bruit, inquiétant, étrange, indescriptible avait fait frissonné un instant Requiem Astral, l’imperturbable.

« HAAAAAAAAAAAAAAAAA !
-Ta gueule Plume d’Encre ! T’abuses !
-Mais mais mais ! Ce bruit !
-Han , mais laisse moi, je gère…
-Ouai, ouai, t’as raison gros nigaud !
-Quoi Plume d’Encre, voudrais-tu par hasard me faire part de tes suppositions ?
-Non ! Juste te dire que c’est DANGEREUX ici ! Et que cet endroit ne m’inspire RIEN de bon ! File d’ici tout de suite !
-Hahaha ! Quoi, t’as peur que ton corps d’emprunt crève et que tu ne puisses plus subsister dans notre monde ?
-Humf…
-Pathétique frérot ! La mort ne me fait pas peur, je lui rit au nez !
-Ouai, bah fais gaffe quand même…
-T’inquiète. »

Le silence avait reprit place dominante, et Requiem Astral se détendit. Il fit signe à Sans Cœur de le suivre, s’enfonçant ainsi encore plus profond dans le dédale.